Mouhamed Awali Djibril (au centre) fait le lien entre les fermiers, l’entreprise solaire et la GIZ allemande. Récolter en dehors de la période classique : irriguer avec de l’ énergie solaire le rend rentable. L L’air est sec et poussiéreux ici, au nord du Bénin, on peine à voir le soleil derrière les nuages. L’harmat- tan souffle, un vent du nord-est venant du Sahara. La nuit, les températures tombent à – 20 °C. Cela fait des mois qu’il n’a pas plu, le sol est dur comme pierre à bien des endroits. Néanmoins, les pieds de tomates s’alignent sur les champs de la ferme Alafia Wanru à Mareborou. On cultive ici, au Bénin, le légume le plus important et le plus apprécié sur une surface affermée de 30 hectares. On ne voit pas encore de fruits rouges et mûrs en cette fin janvier. Ce n’est pas l’époque idéale pour la culture des tomates qui demandent beau- coup d’eau. Estache W. Adje, directeur technique de la ferme, dit néanmoins : « Nous récoltons en moyenne 1750 kilos par jour. » Il est satisfait. À plus de 100 mètres de cet homme de 25 ans, trois femmes portent des seaux pleins vers la balance bleue. Cinq grands paniers tressés, pesant chacun 35 kilos, y at- tendent d’être transportés au marché. Chacun rap- porte actuellement entre 7,60 et plus de 9 euros. Quatre pompes fonctionnant à l’énergie so- laire et un système d’irrigation permettent de culti- ver ces tomates hors saison. Adje plie les genoux pour montrer un tuyau noir percé de trous minuscules, Il approvisionne en eau tous les plants de tomates. Pour tous ceux qui en cultivent – les paysans peuvent louer un ou plusieurs hectares et paient entre 10 et 20 % par récolte –, c’est un immense acquis. Adje, qui travaille pour la ferme depuis 2018, se souvient combien la culture était chère et difficile auparavant. Il montre un point au loin, « le puits est là-bas ». C’est le cœur de la ferme. Mais il fallait jusque-là un générateur diesel pour pomper l’eau. « Un ouvrier venait très tôt le matin, le mettait en route et devait contrôler régulièrement que tout marche bien. » Le générateur devait marcher huit heures par jour et requérait des sommes énormes pour payer le diesel. « Nous payions certains jours plus de 70.000 francs CFA », se souvient Adje. Ces près de 110 euros sont plus que le salaire mensuel d’une femme de ménage ou d’un journalier. Natu- rellement, la ferme dépendait en permanence des livraisons de diesel. Les pénuries récurrentes d’ap- provisionnement en diesel créaient d’autres pro- blèmes. En bref, « ce n’était pas absolument pas rentable », résume le directeur technique. Une agriculture sans diesel Des voisins donnèrent la preuve qu’on peut culti- ver différemment en installant des panneaux so- laires sur quelques hectares pour leur système d’ir- rigation. Pour les gens d’Alafia Wanru, il fut évident que le système fonctionne et peut être utilisé sur de grandes surfaces. Ils prirent contact avec la société BRCE, fondée en 2002. Elle a son bureau à Parakou, la troisième ville du Bénin à près de sept heures de voiture de la ville portuaire de Cotonou. Nombre de sociétés solaires y ont leur siège. BRCE travaille dans tout le nord du pays et propose, outre l‘installation de pompes fonctionnant à l’énergie solaire, la vente de kits solaires complets. Ces petits kits se composent d’un pan- neau solaire, d’une batterie, d’un câble et de douilles pour plusieurs lampes. Il permet d’appor- ter de la lumière dans les villages qui ne sont pas raccordés au réseau. En 2019, selon une estima- tion de la Banque mondiale, c’était le cas pour près de 60 % de la population, soit 7,8 millions de personnes sur les quelque 13 millions d’habitants D E U T S C H L A N D E D I T I O N 2 0 2 2